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Robespierre avait en lui une chose instinctive, peut-être prophétique : l’antipathie du militaire. Il haïssait l’épée. On eût dit qu’il sentait que nos libertés périraient par la maladie nationale, l’admiration de l’épée.

Barère, à cette antipathie, pouvait opposer, il est vrai, la figure très peu militaire de Carnot. Il avait l’air d’un prêtre, la mine simple et modeste, toute civile. Plus tard, les magnifiques sabreurs de l’âge impérial ne revenaient pas de leur étonnement en voyant les bas bleus, la bourgeoise culotte courte du célèbre directeur des quatorze armées de la République, de l’organisateur de la victoire, qui ne l’organisa pas seulement, mais de sa main la fît à Wattignies.

Avec tout cela, il y avait un point d’après lequel il est indubitable que Robespierre n’accepta pas Carnot, c’est qu’il avait protesté contre le 31 mai. D’autres l’avaient fait aussi, mais ils se rétractèrent. Carnot persévéra dans son culte de la légalité. C’est ce qui lui fît faire sa grande faute de Fructidor, où il aurait laissé mourir la République, immolé la Justice par respect pour la Loi.

Carnot força la porte du Comité, mais il resta entre eux une hostilité incurable. Robespierre ne se consola jamais des succès de Carnot. Il le croyait trop indulgent, peu ferme. Il devinait (avec raison) qu’il employait dans ses bureaux des hommes utiles, mais peu républicains. On le trouva parfois les yeux fixés sur les cartes de Carnot, triste à verser des