et qui changeaient à chaque instant ; elle le dut à quelques officiers inférieurs, Desaix, Gouvion-Saint-Cyr, qui, chaque jour, à l’arrière-garde, se faisaient patiemment, consciencieusement écraser, pour donner encore à l’armée un jour de retraite. L’auraient-ils pu toujours, si les Prussiens avaient sérieusement secondé l’Autriche ?
Pourquoi la Prusse agit-elle mollement ? Parce qu’elle voulait attendre le partage de la Pologne.
Nous le savons maintenant. Mais Carnot ne le savait pas. Il agit comme s’il le savait, et il risqua sa tête. Il proposa audacieusement d’affaiblir de trente-cinq mille hommes nos armées du Rhin et de la Moselle, au moment où les Prussiens fortifiaient l’armée coalisée de quarante mille hommes ! Quel texte d’accusations, s’il ne réussissait ! Aucun des généraux guillotinés à cette époque n’eût passé plus sûrement pour traître. Nous-mêmes aujourd’hui, nous serions fort embarrassés de fixer notre opinion.
Carnot fut héroïque, risqua sa vie et sa mémoire. Barère même, il faut le dire, eut un moment d’audace lorsqu’il lança Carnot devant le Comité. Sa tête fut engagée aussi.
Non seulement la mesure était excessivement hasardeuse à l’armée, mais elle l’était à Paris, où le Comité allait faire le grand pas devant lequel il reculait toujours : subordonner Boucholte, braver la tyrannie des hébertistes, devenir ce que Danton demandait qu’il fût : un gouvernement.