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l’éviter. Entre la morsure hébertiste et la potence royaliste, il se décida, brava la première.

Barère était le menteur patenté du Comité. Chaque matin, d’un coup frappé sur la tribune, il faisait jaillir des armées (contre la Vendée, par exemple, quatre cent mille hommes en vingt-quatre heures). Mais lui-même, dans un vrai péril, les armées idéales ne le rassuraient guère. Il ne s’enivrait point de ses mensonges, il ne se croyait point.

Sa peur lui disait parfaitement que les moyens de Danton opéreraient trop tard, et que ceux de Robespierre n’opéreraient rien. Danton voulait la levée en masse, mettre la nation debout ; cette opération gigantesque n’aboutit qu’en novembre (quand nous étions vainqueurs). Robespierre ne proposait rien que de punir les traîtres et de faire des exemples.

S’en tenir là, c’était attendre l’ennemi, comme le sénat romain, pour mourir sur sa chaise curule. Barère n’en avait nulle envie.

Les chefs de la Révolution étaient tous dans un point de vue noble et élevé, qui deviendra plus vrai et dont nous irons peu à peu nous rapprochant dans l’avenir : Tout homme est propre à tout. Un sincère patriote, mis en présence du danger, doit trouver dans son cœur des lumières pour suppléer à la science, une seconde vue pour sauver la Patrie. Ils méprisaient parfaitement la spécialité, le métier, le technique.

Barère, plus positif et éclairé par le sentiment de