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Un grand conseil eut lieu le 3 août. Et là York céda, ne pouvant plus lutter contre tant d’instances, contre l’émotion qui était dans l’air. Il mit ses instructions dans sa poche, s’unit aux Autrichiens. Le général commandité de la banque et de la boutique devint un chevalier et se lança dans la croisade.

Ce bonhomme d’York, frère du roi d’Angleterre, était un homme de six pieds, brave et faible de caractère. Il avait pour coutume (quand il dînait chez sa maîtresse) de boire, après dîner, dix bouteilles de claret. Les belles dames royalistes raffolaient de lui, à Valenciennes, l’enlaçaient ; ce pauvre géant ne pouvait se défendre.

L’or anglais, qui était aussi entré à flots, portait l’enthousiasme au comble. Tout le monde jurait, jusque dans les boutiques, qu’il n’y avait que ce grand homme, ce bon duc d’York, qui pût sauver le royaume. York finit par dire comme les autres : « Or now, or never : Maintenant ou jamais. »

Voilà la masse énorme des deux armées anglaise et autrichienne qui s’ébranle et roule au Midi. Les Hollandais viennent derrière. En tête voltigeait la brillante cavalerie émigrée, radieuse, furieuse, avec ses prévôts et ses juges pour pendre la Convention.

On croyait que le torrent allait s’arrêter à Cambrai. Mais point. On continue. Les partis avancés poussent vers Saint-Quentin. Nous évacuons La Fère en hâte. Rien entre l’ennemi et Paris. L’armée du Nord, très faible, inférieure de quarante ou cinquante mille hommes à ce qu’on la croyait, avait