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représentation, où était, la belle Théroigne, l’intrépide Liégoise, qui, dans ce jour mémorable, gagna le régiment de Flandre et brisa l’appui de la royauté ?… Brisée elle-même, hélas ! fouettée, déshonorée en mai 1793, enfermée folle à la Salpêtrière ! … Cette femme adorée, devenue bête immonde ! Elle y mourut vingt ans, implacable et furieuse de tant d’outrages, de tant d’ingratitude.

Une autre personne encore reste frappée de cette fête. Quelle ? Celle qui l’a votée, la Convention. L’ingénieux et subtil ordonnateur, pour symboliser l’embrassement du peuple réunissant ses mandataires, avait imaginé de montrer l’Assemblée sans insignes distinctifs, peuple parmi le peuple, enserrée d’un fil tricolore, que tiennent les envoyés des assemblées primaires. La Convention semblait tenue en laisse. Ce fil, quelque léger qu’il fût, avait le tort de trop bien rappeler l’humiliation récente de l’Assemblée, sa captivité du 2 juin. Un écrivain avait dit de Louis XVI, mené à la fête du 14 juillet 1792 : « Il a l’air d’un prisonnier condamné pour dettes. » Du moins n’était-il pas lié. Mais la Convention avait son lien visible ; on ne lui avait pas même épargné l’aspect de ses fers.

On eut le tort de laisser sur les places les trois colosses improvisés. David n’avait aucunement le génie du colossal, les formes simples et fortes qui conviennent à ces grandes choses. Ces statues, pour être énormes, n’en était pas moins mesquines et froides, dans leur sécheresse classique. On les