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président fît verser le tombereau de couronnes, y mit le feu. Trois mille oiseaux délivrés s’envolèrent vers le ciel. Deux colombes se réfugièrent dans les plis de la Liberté. Doux augure ! en contraste avec tant de réalités terribles !

Aux Invalides, le Peuple-Hercule, de la cime d’un rocher, terrassait, écrasait le dragon du fédéralisme. Au Champ de Mars, tout le cortège, ayant passé sous le niveau de l’Egalité, monta à la sainte Montagne. Là, les quatre-vingt-six vieillards, dont chacun tenait une pique, les remirent toutes au président, qui, les reliant ensemble, consomma l’alliance des départements. Il était debout, au sommet ; l’autel fumait d’encens ; il lut l’acceptation unanime de la loi nouvelle. Et le canon tonna.

Grande heure ! celle où, pour la première fois, un empire se fonda sur la base de l’égalité !

À l’extrémité du Champ de Mars, un temple funèbre était élevé. La Convention y alla de l’autel et s’étant répandue sous les colonnes, tous découverts, prêtant l’oreille… on entendit le président dire ces nobles paroles : « Cendres chères, urne sacrée, je vous embrasse au nom du peuple. »

La foule se dissipa aux premières ombres du soir et, répandue sur l’herbe jaunissante du mois d’août, elle consomma en famille le peu qu’elle avait apporté. Tous rentrèrent en ordre et paisibles dans les murs de Paris, dans la nuit et le sommeil. Pour combien d’hommes pourtant cette fête était la dernière ! De la Commune qui suivait, combien peu