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Le chant du jour fut le Chant du départ, — non plus la Marseillaise, l’hymne humain et profond des légions fraternelles, — mais un coup perçant de trompettes, le cri de la Terreur guerrière qui fondit sur l’Europe et l’ensanglanta vingt années.

Pour la première fois, on vit un autre peuple, et l’on put mesurer le grand changement qui s’était fait dans les mœurs et la situation. Au peuple confiant des grandes Fédérations, au peuple enthousiaste de la grande croisade, le départ de 1792, un autre a succédé. Les nouveaux fédérés, peu brillants, sérieux, mis humblement, hommes de travail et de devoir, n’apportaient nulle parure, mais leur dévouement simple, leurs bras, leur vie, dans cette grande circonstance. Le peuple de Paris n’était guère moins sérieux, sauf les bandes ordinaires qui, dans toute fête gouvernementale, sont chargées de représenter la joie publique.

La défiance régnait. Aux approches de Paris, les fédérés n’avaient pas été peu surpris de se voir fouillés. On craignait qu’ils n’apportassent des papiers dangereux, quelques journaux fédéralistes. Combien à tort ! Ces braves gens n’avaient au cœur que l’unité de la France.

La Commune craignait pour leurs mœurs et leurs bourses. Elle avait signifié aux filles publiques de ne pas paraître dans les rues. On craignait encore plus pour leur orthodoxie politique. La Commune s’empara d’eux, les embrassa en quelque sorte, les mena à la Convention, aux Jacobins, partout. La