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vani, aidée de son fils, arracha à la terre la pauvre dépouille, si barbarement massacrée. La tête, hideuse et brisée, n’en fut pas moins moulée > reproduite fidèlement avec les trois horribles coups. Lugubre monument de guerre civile, qui fut montré, promené par la France. On copia partout la tête de Chalier, on honora, adora son image ; mais sa parole : « Qu’on épargne le peuple, » hélas ! qui s’en est souvenu ?

DERNIERES PAROLES DE CHALIER

Je n’ai que ce papier pour vous faire mes adieux, mes chers frères et sœurs, quelques minutes avant ma mort pour la liberté. Adieu, frère Antoine, adieu, frère Valentin, adieu, frère Jean, adieu, frère François, adieu, neveux, nièces, belles-sœurs, beaux-frères, parents et amis, adieu à tous ! — Chalier, votre frère, votre parent et votre ami, va mourir parce qu’il a juré d’être libre, et que la liberté a été ôtée au peuple le 30 mai 1793. Chalier, votre ami, va mourir innocent pour tout ce dont on l’accuse. Vivez en paix, vivez heureux, si la liberté reste après lui. Si elle vous est ravie, je vous plains. Souvenez-vous de moi. J’ai aimé l’humanité entière et la liberté, et mes ennemis, mes bourreaux, qui sont mes juges, m’ont conduit à la mort. Je vais rentrer dans le sein de l’Éternel. Vous, mes frères, venez recueillir le peu que je laisse. Suivez les conseils de l’ami Marteau, de la bonne Pie, ma gouvernante, que vous considérerez comme moi-même, et dont vous aurez soin comme de moi-même pendant toute sa vie. Si elle désire aller près de vous, recevez-la comme moi-même, ayez toutes les bontés pour elle ; elle connaît mon cœur.

Je vous invite à faire tout pour faire rentrer mes fonds et acquitter mes dettes contractées.

Suivez les conseils des amis que je vous ai indiqués, et de Bertrand fils, mon ami.

Si le sacrifice de ma vie peut suffire à tous mes ennemis qui sont ceux de la liberté, je meurs innocent de tous les crimes