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Il les avait dans son bureau, comme petits commis anonymes. Par là, il donnait prise. Lindet n’était pas moins exposé, et plus visiblement encore. Il faut lire (spécialement dans M. Boivin) la froide audace, la persévérance intrépide, la sainte hypocrisie par laquelle il sut étouffer le grand incendie de l’Ouest, calmer et rassurer, sauver la Normandie. Cette question énorme s’était posée sur un seul point, une petite municipalité. Si on la poursuivait, de proche en proche, tout était poursuivi, la guillotine se remettait en route. Lindet sut profiter du renom de férocité que lui faisaient les Girondins. Il fit un acte bien hardi, arrêta la justice, défendit à Fouquier-Tinville de procéder avant que lui, Lindet, eût fait son rapport général contre les Girondins de Normandie. Il les sauva ainsi en ajournant toujours, et il atteignit Thermidor.

Ce qui a fait haïr si terriblement Robespierre, c’est, je l’ai dit, d’avoir placé ainsi et les membres du Comité et les représentants en mission sous l’imminence d’un procès, d’avoir décliné pour lui-même la responsabilité en l’imposant aux autres, tenant sur eux le couteau suspendu. Il n’était rien, ne faisait rien, à en croire les robespierristes. Vraiment, c’est se moquer de nous ! Qui pouvait s’y tromper ? N’est-ce donc pas à lui que s’adressaient ces lettres suppliantes qu’on a trouvées ? On savait bien qu’il faisait la vie ou la mort. Ne le voyait-on pas aux Jacobins le plus souvent entre Dumas et Coffinhal, etc., entre ses juges et jurés salariés ? Lui--