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famille spirituelle, une société d’amis, un homme multiple. Nous connaissons tout ce qui fut en lui, ses amitiés, ses habitudes, tout ce qu’il aima. La gouvernante de Chalier, bonne et tendre, la Pia, l’admiratrice de Chalier, la Padovani, qui reçut sa tête martyrisée, le sage ami Marteau, le patriote et modéré Bertrand, le fanatique et terrible Gaillard, qui poursuivit la vengeance et se tua quand il en désespéra, tous sont inscrits profondément au livre de l’avenir.

Comment vivaient-ils entre eux ? Y avait-il vie commune ? Non. C’était entièrement un communisme d’esprit.

Rappelons les circonstances de Lyon en mai 1793.

Dubois-Crancé, envoyé à l’armée des Alpes, était un militaire, un dantoniste nullement fanatique. Il explique parfaitement dans sa réponse aux robespierristes la difficulté infinie de sa situation. Abandonné du centre, comme il était, il ne pouvait trouver d’appui que dans son étroite union avec les plus violents patriotes de Lyon (Chalier, Gaillard, Bertrand, Leclerc, etc.). Trois armées dépendaient de Lyon, comme entrepôt général du Sud-Est, en attendaient leurs subsistances, en tiraient leurs ressources. Vingt départements devaient suivre la destinée de Lyon. La grande ville girondine, bourgeoise et commerçante, infiniment rebelle aux sacrifices qu’exigeait la situation, contenait de plus en son sein une armée d’ennemis, une masse énorme de prêtres et de nobles royalistes. Dubois-Crancé ne pouvait