Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tuante. Il se levait de nuit pour se trouver le premier à la queue qui assiégeait les portes avant le jour.

Le soir, il voyait Loustalot (des Révolutions de Paris), le meilleur des journalistes. Près de partir, il lui dit : « Je veux me tuer ; je ne supporte plus l’excès des misères de l’homme. — Vivez, lui dit Loustalot, servez l’humanité. »

Si Ghalier était resté à Paris, il devenait fou. Il y voyait tous les jours Marat et Fauchet, l’Ami du peuple et la Bouche de Fer. Il rapporta à Lyon des pierres de la Bastille, des os de Mirabeau, qu’il faisait baiser à tous les passants ; il prêchait, il appelait tout le monde à la Révolution. Lyon était trop près. Chalier pousse plus loin sa croisade. Il fuit Lyon et les honneurs où le peuple l’appelait, il va à Naples, en Sicile, il enseigne la Révolution aux chevriers de l’Etna, qui écoutent sans comprendre. Il est chassé. À Malte encore, il prêche, il est chassé. Il revint, nu, dépouillé… grandeur oubliée de ces temps ! sur ce simple exposé qu’un Italien, ami de la Révolution, a été dépouillé à Naples, l’Assemblée constituante prend fait et cause, elle fait écrire Louis XVI ; on rend à Chalier son bien. « La France sera mon héritière », dit-il. Il lui a donné son bien et sa vie.

Cet homme véhément de nature, emporté de tempérament, ce fougueux Italien, arriva possédé de justice et de pitié pour juger une ville où l’injustice était le fond de la vie même. Il apparut, sous un