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fait pour produire en tout temps de sublimes fous, délirant de l’amour de Dieu, de l’amour du genre humain. Là Rousseau, après son terrible effort de logique et de raison, se perdit lui-même en ses rêves. Là Mme Guyon écrivit son livre insensé des Torrents. Là Chalier s’embrasa, avec une furie meurtrière, du désir de faire le ciel ici-bas.

Il avait été, comme tout Italien, élevé aux écoles de démence qu’on appelle théologiques. Il voulait alors se faire moine. Il visita d’abord l’Italie et l’Espagne. Il vit, il eut horreur.

Il parcourut la France aussi et s’arrêta à Lyon. Il vit, il eut horreur.

On a dit aussi qu’il vivait alors misérablement de leçons de langues et d’enseignement. Mais, comme un homme intelligent, il ne voulut pas traîner, il domina sa situation. Il se fit commis, négociant. C’est précisément ainsi que commencent aux mêmes lieux Fourier et Proudhon.

Chalier courut le commerce ; il eut un grand bonheur, selon l’idée du monde : il devint riche. Mais il eut un grand malheur : il vit partout dépouiller le pauvre.

1788 a sonné. Et le premier cri qu’on entend en France est celui d’un Italien, une brochure de Chalier : Vendez l’argenterie des églises, les biens ecclésiastiques, créez-en des assignats ; rendez aux pauvres ce qui fut fondé pour les pauvres.

1789 a sonné. Chalier, de Lyon, court à Paris ; il recueille les moindres mots de l’Assemblée consti-