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fonds, on pouvait impunément entasser jusqu’à dix étages les misérables réduits de ce peuple étouffé, avorté. Aujourd’hui encore, dans les quartiers non renouvelés, quiconque monte ces noires, obscènes et puantes maisons, où chaque carré témoigne de la négligence et de la misère, se représente avec douleur les pauvres créatures misérables et souillées qui les occupaient en 1793.

Dur contraste ! la fabrique de Lyon, cet ensemble de tous les arts, cette grande école française, cette fleur de l’industrie humaine… dans de si misérables mains !

Il y avait de quoi rêver. Nulle part plus que dans cette ville, il n’y eut plus de rêveurs utopistes. Nulle part le cœur blessé, brisé, ne chercha plus inquiètement des solutions nouvelles au problème des destinées humaines. Là parurent les premiers socialistes, Ange et son successeur Fourier. Le premier, en 1793, esquissait le phalanstère et toute cette doctrine d’association dont le second s’empara avec la vigueur du génie.

Là ne manquèrent pas non plus les rêveurs parmi les amis du passé. Il suffit de nommer Ballanche, et son prédécesseur, le mélancolique Chassagnon, qui n’écrivait jamais que devant une tête de mort, et qui, pour apprendre à mourir, ne manquait jamais une exécution. Au moment où la fureur girondine du parti des riches poussait Chalier à l’échafaud, Ghassagnon eut la très noble inspiration d’écrire une