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tait pas le besoin de précipiter l’exécution. Elle s’occupa tranquillement de remplir préalablement un devoir d’amitié qui avait été le prétexte de son voyage à Paris. Elle avait obtenu à Caen une lettre de Barbaroux pour son collègue Duperret, voulant, disait-elle, par son entremise, retirer du ministère de l’intérieur des pièces utiles à son amie Mlle Forbin, émigrée.

Le matin, elle ne trouva pas Duperret, qui était à la Convention. Elle rentra chez elle et passa le jour à lire tranquillement les Vies de Plutarque, la bible des forts. Le soir, elle retourna chez le député, le trouva à table avec sa famille, ses filles inquiètes. Il lui promit obligeamment de la conduire le lendemain. Elle s’émut en voyant cette famille qu’elle allait compromettre et dit à Duperret d’une voix presque suppliante : « Croyez-moi, partez pour Caen ; fuyez avant demain soir. » La nuit même et peut-être pendant que Charlotte parlait, Duperret était déjà proscrit ou du moins bien près de l’être. Il ne lui tint pas moins parole, la mena le lendemain matin chez le ministre, qui ne recevait point, et lui fit enfin comprendre que, suspects tous deux, ils ne pouvaient guère servir la demoiselle émigrée.

Elle ne rentra chez elle que pour éconduire Duperret qui l’accompagnait, sortit sur-le-champ et se fit indiquer le Palais-Royal. Dans ce jardin plein de soleil, égayé d’une foule riante, et parmi les jeux des enfants elle chercha, trouva un cou-