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douce ; le cœur échappe, les yeux s’obscurcissent, il faut regarder ailleurs.

Le peintre a créé pour les hommes un désespoir, un regret éternel. Nul qui puisse la voir sans dire à son cœur : « Oh ! que je sois né si tard ?… Oh ! combien je l’aurais aimée ! »

Elle a les cheveux cendrés, du plus doux reflet ; bonnet blanc et robe blanche. Est-ce en signe de son innocence et comme justification visible ? Je ne sais. Il y a dans ses yeux du doute et de la tristesse. Triste de son sort, je ne le crois pas, mais de son acte, peut-être… Le plus ferme qui frappe un tel coup, quelle que soit sa foi, voit souvent, au dernier moment, s’élever d’étranges doutes.

En regardant bien dans ses yeux tristes et doux, on sent encore une chose, qui peut-être explique toute sa destinée : elle avait toujours été seule.

Oui, c’est là l’unique chose qu’on trouve peu rassurante en elle. Dans cet être charmant et bon, il y eut cette sinistre puissance : le démon de la solitude.

D’abord elle n’eut pas de mère. La sienne mourut de bonne heure ; elle ne connut point les caresses maternelles ; elle n’eut point dans ses premières années ce doux lait de femme que rien ne supplée.

Elle n’eut pas de père, à vrai dire. Le sien, pauvre noble de campagne, tête utopique et romanesque, qui écrivait contre les abus dont la noblesse