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À chaque relais, on refusait les chevaux : « Où allez-vous ? Les brigands sont tout près ; vous êtes perdus. » Non loin d’Angers, le postillon, voyant des gens armés, veut couper les traits et s’enfuir. Phelippeaux le menace ; il avance : c’étaient des amis.

Angers désespérait, s’abandonnait lui-même. Toutes les boutiques étaient fermées. Les militaires allaient évacuer ; déjà le payeur était parti, les fournisseurs emballaient. Il n’y avait en tout que quatre bataillons, et qui venaient de fuir ; tous s’accusaient les uns les autres. Phelippeaux les excuse tous, les ranime, jure de mourir avec eux. Le courage revient, on se hasarde, on sort, on va voir les brigands. La terrible armée vendéenne repasse prudemment les ponts, les coupe derrière soi. Sans se reposer sur personne, le représentant du peuple accompagné de Chaux alla deux fois au pont sur la brèche reconnaître l’arche coupée. Les canons, gueule à gueule, tiraient d’un bord à l’autre, à cent pieds de distance. À la seconde fois, dit Chaux dans sa lettre aux Nantais[1], Phelippeaux entonna l’hymne des Marseillais, et tout le monde avec lui ; les canons ennemis se turent.

L’émotion fut telle que nos cavaliers, sans savoir si on pouvait les suivre, se lançaient dans le fleuve. Phelippeaux fît venir tous les charpentiers de la ville et bravement fît rétablir l’arche. Les postes

  1. Archives de la mairie de Nantes.