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lave brûlante où se fondirent les haines ; hier, ennemis acharnés, ils se retrouvèrent uns au sein de la patrie.

Quand il n’y aura plus de France, quand on cherchera sur cette terre refroidie l’étincelle des temps de la gloire, on prendra, on lira, dans les rapports de Phelippeaux, l’histoire de sa course héroïque de juillet 1793. Ces pages suffiront : la France pourra revivre encore.

Ce caractère antique pouvait seul imposer aux Girondins de l’Ouest, orgueilleux du succès de Nantes, leur révéler ce qu’ils ne sentaient point, le souverain génie de la Montagne, et les vaincre dans leur propre cœur.

La Gironde était deux fois impuissante, et contre les royalistes et contre les enragés, les fous de la Terreur. Laissée à elle-même, elle était absorbée par les uns et entraînée au crime, ou bien dévorée par les autres, qui ne voulaient qu’exterminer. Il fallait la sauver de sa propre faiblesse, nullement composer avec elle ni entrer dans ses voies, mais la dominer puissamment, en lui montrant un plus haut idéal de dévouement et de sacrifice. C’est ce qu’elle eut en Phelippeaux.

Au cri désespéré de Nantes (24 juin), Phelippeaux avait reconnu l’agonie de la patrie. Il se fit donner par l’Assemblée la mission hasardeuse de prêcher la croisade de département en département. Il partit dans un tourbillon, n’ayant rien avec lui, qu’un homme, un Nantais, qu’il montrait à tous comme il