Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rement à se plaindre des Lyonnais, qui l’avaient tenu comme prisonnier.

Mais la gloire de Robert Lindet, comme homme et homme d’affaires, c’est la prudence extraordinaire par laquelle il sauva la Normandie.

Il connaissait parfaitement ses compatriotes, savait que c’est un peuple essentiellement gouvernemental, attaché à l’ordre établi, ami du centre, pourvu que Paris achète ses beurres et ses bœufs. Évreux était mauvais, mais l’Eure en général très bon. On n’avait pu l’égarer qu’en lui faisant croire que l’Assemblée était prisonnière et qu’il fallait la délivrer.

Lindet fit d’abord donner par la Convention un délai aux Normands pour se rétracter ; puis décréter une levée de deux bataillons d’hommes sans uniformes pour aller observer Évreux et fraterniser avec nos frères de Normandie. Ce ne fut pas sans peine qu’on trouva cette petite force. Lindet fut obligé de presser la levée lui-même de section en section. Le chef fut le colonel Hambert, brave et digne homme, d’un caractère doux. Danton y mit pour adjudant général Brune, dont il savait la dextérité.

Nous avons dit comment les Girondins réfugiés à Caen, brisés de leur naufrage et ne songeant qu’à se refaire, laissèrent les gens du Calvados prendre un général royaliste. Louvet et Guadet essayèrent en vain d’éclairer leurs collègues. Heureux d’être arrivés à Caen, dans cette ville lettrée et paisible, ils ne voulaient rien qu’oublier. Ils avaient vécu ; le temps les avait déjà dévorés. Barbaroux, l’homme