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Dès le lendemain du 2 juin, Danton avait fait envoyer dans le Calvados un agent très fin, Deforgues, avec un quart de million. Il ne croyait pas les Normands invincibles aux assignats.

Il y envoya peu après, comme militaire, avec les forces de la Convention, un intrigant héroïque qu’il aimait beaucoup, Brune (de Brives-la-Gaillarde), légiste, officier, ouvrier imprimeur, prosateur et poète badin, qui venait de publier un voyage en partie rimé (moitié Sterne, moitié Bachaumont). C’était un homme de taille magnifique, de la figure la plus martiale, la plus séduisante. On connaît sa destinée, ses victoires, sa disgrâce sous l’Empereur, sa triste mort à Avignon (1815).

Cet homme si guerrier fut mis par Danton dans les troupes envoyées en Normandie, non pour combattre, au contraire, pour empêcher qu’on ne se battît.

Ce furent des moyens analogues qui réussirent à Lindet, dans sa pacification de la Normandie.

Ce qui la rend très remarquable, c’est que Lindet n’était nullement indulgent comme Danton et les dantonistes. Il savait haïr et haïssait spécialement les Girondins de la Convention, moins Roland, qu’il estimait comme un grand et honnête travailleur, et le candide Fauchet, qu’en sa qualité d’homme d’affaires, il regardait sans doute comme un simple ou comme un fou.

Lindet était comme Roland un terrible travailleur : jusqu’à près de quatre-vingts ans il écrivait quinze