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Le seul point où l’on pût douter, c’était Lyon, Lyon qui venait de verser par torrents le sang montagnard. Toute une armée royaliste, prêtres et nobles, était dans Lyon, et, avec tout cela, le Lyon commerçant resta si bien girondin qu’il proscrivit jusqu’au dernier jour du siège les insignes royalistes et chanta le chant girondin (Mourir pour la Patrie) sous les mitraillades de Gollot d’Herbois.

Sauf Lyon où Danton voulait une répression forte et rapide, il désirait qu’on n’employât contre la France girondine que des moyens de pacification.

Voilà le point de vue général sous lequel ces deux grands hommes envisagèrent la situation. Robespierre voulut le maintien de l’autorité, et il réussit. Danton voulut la réconciliation de la France, et, comme on va le voir, il y contribua puissamment par lui et par ses amis. — Ils étaient les deux pôles électriques de la Révolution, positif et négatif ; ils en constituaient l’équilibre.

Qu’ils aient été chacun trop loin dans l’action qui leur était propre, cela est incontestable. Je m’explique. Dans sa haine du mal et du crime, Robespierre alla jusqu’à tuer ses ennemis, qu’il crut ceux du bien public.

Et Danton, dans l’indulgence, dans l’impuissance de haïr qui était en lui, voulant sauver tout le monde (s’il eût pu, Robespierre même, ce mot fort est de Garat), Danton eût amnistié non seulement ses ennemis, mais peut-être ceux de la liberté. Il n’était pas assez pur pour haïr le mal.