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feu, les Vendéens ne soupçonnèrent pas le petit nombre de ses défenseurs. Au petit jour, une femme de Nort fit semblant de poursuivre une poule, passa la rivière à gué, montra le gué aux Vendéens. Cette femme a vécu jusqu’en 1820, en exécration dans tout le pays.

Les cavaliers vendéens, prenant chacun en croupe un Breton (ces Bretons étaient d’excellents tireurs), passèrent et se trouvèrent alors front à front avec Meuris.

Meuris, entre autres vaillants hommes, avait à lui deux capitaines qui méritent bien qu’on en parle. L’un était un très beau jeune homme, aimé des hommes, adoré des femmes, un Nantais de race d’Irlande, le maître d’armes O’Sullivan, tête prodigieusement exaltée, noblement folle[1], à l’irlandaise ; c’était une lame étonnante, d’une dextérité terrible, dont tout coup donnait la mort. L’autre, non moins brave, était un nommé Foucauld, véritable dogue de combats, dont on a trop légèrement accusé la férocité ; eût-il mérité ce reproche, ce qu’il a fait pour la France dans cette nuit mémorable a tout effacé dans nos souvenirs.

  1. Je veux dire extrêmement inégale.

    Il était très doux (c’est lui qui empêcha de fusiller les cent trente-deux Nantais), mais avec des accès de violence et d’exaltation. L’appréciation si judicieuse de la Terreur qu’on trouve sans nom d’auteur, à la page 495 de Guépin (Histoire de Nantes, 2e édition), est de O’Sullivan. L’éminent historien appartient lui-même à l’histoire par son immortelle initiative au pont de Pirmil ; c’est lui qui, le 30 juillet 1830, coupa ce pont, communication principale entre la Bretagne et la Vendée, et peut-être trancha le nœud de la guerre civile.