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Il fallait que les bras nus, les hommes rudes, les travailleurs, prissent violemment parti contre les brigands et devinssent une avant-garde. Les bourgeois ne manqueraient pas d’agir également par émulation. C’est précisément ce qui arriva et ce qui sauva la ville.

Le 15 mars, le lendemain de ces terribles nouvelles d’assassinats, de massacres, d’hommes enterrés vifs, il y avait une grande panique. Les femmes, dans une sorte d’agonie de peur et de défaillance, s’accrochaient à leurs maris et les retenaient. Baco et les magistrats firent une chose insolite ; ils parcoururent la ville à pied, s’arrêtant, se mêlant aux groupes, demandant à chacun ce qu’il fallait faire.

Il y avait dans la Haute-Grand’Rue, tout près de Saint-Pierre, un ouvrier en boutique, ferblantier de son état, qui avait grande influence dans le quartier. Meuris, c’était son nom, était un homme marié, de trente-trois ans, et qui avait des enfants ; il n’en était pas moins ardent et propre aux armes. Cet homme devint le centre de la défense populaire.

Le maire voulait qu’on sortît, qu’on fondît sur les Vendéens, qu’une force armée courût le département avec une cour martiale. Mais le commandant Wieland, bon officier suisse, méthodique et prudent, voulait qu’on ne sortît pas, qu’on se gardât seulement. C’était un moyen sûr de mourir de faim, d’être vaincu sans combat.