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émigré et le clergé se cachait ; la queue de tout cela restait, remuait, inquiète, intrigante, livrant la ville jour par jour. Les Vendéens savaient mieux que les Nantais ce qui se passait à Nantes. Si les bords boisés de la Sèvre couvraient les approches hardies des éclaireurs de Gharette, les longs jardins murés des hauts quartiers de Nantes, les ruelles infinies qui font des deux côtés de l’Erdre d’inextricables labyrinthes, ne couvraient pas moins bien, au sein de la ville, les sourdes pratiques du monde royaliste et dévot qui appelait l’ennemi. Des tours de Saint-Pierre où l’on avait établi un observatoire, on distinguait avec des longues-vues les bonnes femmes de Nantes, qui, sous mille prétextes, allaient, venaient de la ville aux brigands, des brigands à la ville, les renseignant parfaitement, portant et reportant leurs lettres, leur indiquant les lieux, les heures, les occasions où ils pourraient à leur aise massacrer les patriotes.

Nantes, sans murs ni remparts, vaguement répandue entre ses trois fleuves, pouvait assez bien se garder encore vers la Sèvre par ses ponts, sur la Loire par son château, mais infiniment peu sur l’Erdre. La jaune rivière des tourbières, par ces labyrinthes de jardins murés qui couvrent ses bords, par ces sinistres ruelles de vieux couvents abandonnés, de maisons nobles, devenus biens nationaux et sans habitants, donnait un trop facile accès aux loups, aux renards, qui, de nuit, venaient de près flairer la ville.