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deux partis alla plus loin dans le crime. On a parlé, on parle insatiablement des noyades de Carrier ; mais pourquoi parle-t-on moins des massacres de Charette ? L’entente des honnêtes gens pour réveiller sans cesse certains souvenirs, étouffer les autres, est chose admirable. D’anciens officiers vendéens, rudes et féroces paysans, avouaient naguère à leur médecin, qui nous l’a redit, que jamais ils ne prirent un soldat (surtout de l’armée de Mayence) sans le faire périr, et dans les tortures, quand on en avait le temps. Quand on n’aurait pas ces aveux, la logique seule dirait que le plus cruel des deux partis était celui qui croyait venger Dieu, qui cherchait à égaler par l’infini des souffrances l’infini du crime. Les républicains, en versant le sang, n’avaient pas une vue si haute. Ils voulaient supprimer l’ennemi, rien de plus ; leurs fusillades, leurs noyades, étaient des moyens d’abréger la mort, et non des sacrifices humains. Les Vendéens au contraire, dans les puits, les fours comblés de soldats républicains, dans les hommes enterrés vifs, dans leurs horribles chapelets, croyaient faire une œuvre agréable à Dieu.

La terreur trop légitime que l’attente de ces barbares répandait dans Nantes respire dans les lettres, les adresses suppliantes et désespérées que l’administration nantaise envoie coup sur coup aux départements voisins. Le président du département écrivait au Morbihan : « Nos maux sont extrêmes. Demain Nantes sera livrée au pillage. Une troupe immense de brigands nous enveloppe ; ils sont maîtres de la