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de voir au col de cette singulière figure une coquette écharpe noire à paillettes d’or, ornement fantasque qu’il portait en souvenir de quelque dame. Non certes par fidélité. Il changeait toutes les nuits. Il n’y eut jamais un pareil homme. Les grandes dames du pays, les petites filles de village, tout lui était bon. Des dames le suivaient à cheval, quelques-unes vaillantes, parfois sanguinaires. Elles passaient des nuits avec Charette, puis rentraient chez leurs maris, résignés et satisfaits, pour l’amour de l’autel et du trône.

Charette croyait être très noble. Il se faisait venir de certains Caretti du Piémont. Il y avait cependant des Charette dans la robe. Un d’eux se fit condamner à mort dans l’affaire de La Chalotais. La mère de Charette était des Cévennes. Son père, officier, et deux autres passaient dans un bourg près d’Uzès ; ils voient au balcon trois gentilles Languedociennes. « Ce seront nos femmes », disent-ils ; ils montent, demandent, obtiennent. Charette naquit de ce caprice en 1765.

Il avait vingt-huit ans en 1793. Il était lieutenant de marine, avait fait plusieurs campagnes de guerre, avait donné sa démission et vivait dans son petit manoir de Fonteclause, avec une vieille femme riche qu’il avait épousée pour accommoder ses affaires.

Il ne tint pas aux nobles qu’il ne se dégoûtât bientôt de la guerre, ne les laissât là. Ils disaient qu’il n’était pas noble, ils l’appelaient le petit cadet ou le Savoyard ; ils assuraient qu’il était lâche, ne