Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moins suspectes aux yeux clairvoyants. La haine ne s’y trompait pas. Les Cordeliers l’accusèrent le 4, et les Jacobins le 7, Robespierre le défendit et l’enfonça d’autant plus. Au Comité de salut public, relégué à la section diplomatique, où il n’y avait rien à faire, à la section militaire à laquelle il était étranger, il subit, le 2 juillet, l’atroce rapport de Saint-Just… Danton, où était ton âme ?

La mort venait à lui, rapide… Le dévorant Saturne, affamé de ses enfants ; il en avait fini avec la Gironde : de quoi donc avait-il faim maintenant, sinon de Danton ?

Un homme si pénétrant ne se méprenait pas sur son sort. Que la mort vînt et vînt vite, c’était le meilleur pour lui.

Chose étrange ! Vergniaud et Danton mouraient de la même mort.

Le pauvre Vergniaud, prisonnier rue de Clichy, dans ce quartier alors désert et tout en jardins, prisonnier moins de la Convention que de Mlle Candeille, flottait dans l’amour et le doute. Lui resterait-il cet amour d’une brillante femme de théâtre, dans l’anéantissement de toutes choses ? Ce qu’il gardait de lui-même passait dans ses âpres lettres, lancées contre la Montagne. La fatalité l’avait dispensé d’agir, et il ne le regrettait guère, trouvant doux de mourir ainsi, savourant les belles larmes qu’une femme donne si aisément, voulant croire qu’il était aimé.

Danton, aux mêmes moments, s’arrangeait le même suicide.