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croire, elle le disait et le répétait sans cesse. On jurait qu’ils étaient les amis de la Vendée ! qu’ils voulaient démembrer la France !…

Le sacrifice de la Gironde nous sauvait-il pour le moment ? On était tenté de le croire. Qu’en serait-il pour l’avenir ? La loi, une fois tuée ainsi de la main du législateur, n’était-ce pas pour toujours ? Cette flagrante illégalité n’allait-elle pas fonder l’illégalité éternelle ?… Que sont les lois d’une Assemblée brisée ? Qu’elle appelle une autre Assemblée, celle-ci, née d’un appel sans droit, n’apportera-t-elle pas la tache originelle de sa naissance ?… Que prévoir, sinon une succession monstrueuse de coups d’Etat alternatifs ? La France, ne sentant plus le droit, n’ayant nulle prise où s’arrêter, n’ira-t-elle pas roulant comme roule un corps mort sur la vague, dont ne veut ni la mer ni la terre, et qui flotte éternellement ?…

La tristesse était la même dans les hommes des trois partis, dans les vainqueurs, comme Marat, dans les vaincus, comme Vergniaud, dans les neutres, comme Danton.

Nous expliquerons tout à l’heure les secrets efforts de Danton pour pacifier la France. Ces tentatives, difficiles et périlleuses pour tous les conciliateurs, l’étaient infiniment pour lui. Il agissait pour rallier la Gironde départementale, mais toujours en parlant contre elle. Ses déclamations habilement préparées, lancées dans la Convention avec un désordre apparent, un hasard plein de calcul, n’en étaient pas