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d’avance, destituable, placée sous la tutelle, la police des Jacobins.

Le grand coup de terreur fut d’abord sur Brissot et la tête de la Gironde. Ce fut une belle expérience. Celui qui le plus fortement avait miné, frappé le roi, on le déclare agent du roi. Acte prodigieux de la foi jacobine. On nia le soleil à midi. Et cela fut cru. L’affirmation du Moyen-Âge, du dogme catholique : « Ce pain n’est pas du pain : c’est Dieu », cette affirmation n’a rien de plus fort. Nous retournons dans les vieux siècles de la crédulité barbare.

Nulle réalité n’est réelle contre le mot de Robespierre. Voilà la foi robuste des nouveaux Jacobins.

J’ai parfois admiré la férocité des lettrés. Ils arrivent à des excès de nerveuse fureur, que les hommes moins cultivés n’atteignent pas.

Robespierre, le sincère philanthrope de 1789, avait subi des choses atroces. D’abord la risée unanime des deux côtés de la Constituante, et des Lameth et des Maury. Lui, coq de sa province, lauréat de Louis-le-Grand et académicien d’Arras, il était très sensible. Cela lui fut un bain d’eau-forte, cruellement le sécha, le durcit. Et sa victoire de 1791 ne le détendit pas. Il ne reprit jamais la figure (encore assez douce) qu’il avait en 1789. De plus en plus il devint chat. Les lancettes de la Gironde, souvent aiguës, ardentes, piquaient, brûlaient. On est épouvanté de voir qu’au 2 septembre, quand tout homme, même violent, eût ajourné ses haines, il va à la