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(pardonnez-moi, grand homme, le mot qui m’est échappé). Elle est bien pauvre, du moins, pour dire le tout-puissant Générateur des globes, disons mieux, la Grande Mère, toute féconde, qui, par minutes, enfante les mondes et les cœurs. Omettre l’efficacité de Dieu, pour dire seulement qu’il est Suprême, au fond, c’est l’anéantir. Dieu agit, engendre ou n’est pas. Ce pauvre titre le dépouille, le destitue, le relègue là-haut, je ne sais où, au trône du Rien Faire, où siégeait le dieu d’Épicure.

Il ne faut pas parler de Dieu ou en parler clairement.

Telle est la force féconde de ce seul nom que, mal dit, il sera horriblement fécond de maux et d’erreurs.

Que signifie l’Être suprême ? Est-ce le Dieu du Moyen-Âge, l’injuste Dieu qui sauve les élus, ceux qu’il aime et qu’il préfère, les favoris de la Grâce ? ou bien le Dieu de justice, le Dieu de la Révolution ?… Prenez garde. Mortelle est l’équivoque. Vous rouvrez la porte au passé. Il faut choisir. Car des deux sens vont dériver deux politiques tout à fait contraires. Du Dieu juste dérive une société juste, démocratique, égale. Et du Dieu de la Grâce qui ne sauve que ses élus, vous n’arriverez jamais qu’à une société d’élus et de privilégiés.

Trente ans s’étaient écoulés depuis Rousseau. L’équivoque n’était plus permise. Il ne fallait pas s’en servir. Au lieu de l’Être suprême, qui n’est qu’une neutralité entre le Dieu juste et le Dieu