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sans doute, mais, par l’instinct et le cœur, ils virent, ils reconnurent plusieurs des faces de Dieu.

Les Cordeliers furent bien mêlés. Ils eurent des hommes d’une sève, d’un cœur admirable, comme Desmoulins et Clootz, des intrigants comme Hébert et Ronsin. Mais ils n’eurent point d’hypocrites.

Ils crurent que la Révolution ne devait point s’arrêter devant la question religieuse, mais l’embrasser et l’envelopper, qu’elle n’avait aucune sûreté tant qu’elle laissait cette question hors d’elle-même. Ils n’éludèrent pas la religion en lui accordant un mot. Ils proposèrent leur symbole contre celui du Moyen-Âge. Les Jacobins, pour l’avoir ménagé par une équivoque, ont vu revenir celui-ci, tout mort qu’il était, et ce revenant étrangler la Révolution.

On ne fonde rien sur l’équivoque. Rien n’était plus vague, plus trouble que ce mot : l’Être suprême.

Rousseau, auquel il appartient, y avait trouvé son succès. Robespierre y chercha le sien.

Ce mot, d’un sens indécis, est ce qui recommanda l’Émile aux croyants comme aux philosophes. Les uns y virent l’ancien Dieu et les autres le nouveau.

Tous ceux qui, par sentiment, sans souci de la logique, tenaient à l’ancienne religion et qui la sentaient enfoncer sous eux passèrent avec empressement sur la planche mal assurée que Rousseau tendait à tous.

Cette formule convenait à tous, parce qu’elle disait très peu. Suprême ! expression vide et creuse