à l’idée de l’art éternel, se mit à parler de la création et du créateur avec une éloquence extraordinaire. L’autre cependant changeait de visage, Enfin les larmes lui viennent. Il se jette à genoux devant Diderot, lui prenant les mains et sanglotant : « Ah ! mon ami ! ah ! mon ami, de grâce, ne parlez pas ainsi… Je vous en prie, je vous conjure… Oh ! plus de Dieu, plus de Dieu ! »
Il voulait dire évidemment : « Plus de clergé, plus de moines, plus d’Inquisition, plus de bûchers », etc.
Une scène tout analogue se passa au temps dont nous écrivons l’histoire. Un de ces fougueux disciples de Diderot, un soir de 1793, arrive défait et pale dans la petite rue Serpente, dans une famille dont il était ami, celle du libraire Debure… On s’étonne : « Qu’avez-vous ? Auriez-vous été dénoncé ? — Non. — C’est donc un de vos amis qui est en péril ? » — Enfin, répandant des larmes et faisant effort pour répondre : « Rien de tout cela… Ce scélérat de Robespierre fait décréter l’Être suprême ! »
Ce fanatisme d’athéisme se trouvait particulièrement chez les Cordeliers. La plupart se croyaient athées et ne l’étaient pas. Comme leur maître Diderot, c’étaient des sceptiques pleins de foi. Les uns, comme Danton, sentaient Dieu dans les énergies créatrices de la nature, dans la femme et dans l’amour. Les autres, comme le pauvre Clootz, l’orateur du genre humain, le sentaient dans l’âme du peuple, dans l’humanité, dans la raison universelle. L’unité de la Grande Cause put leur échapper