Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droite, la garda précieusement et l’augmenta, comme une réserve future, de tous ceux qui, à gauche, au centre, voulaient conserver quelque chose de l’ancienne religion.

Dans la discussion récente où l’on avait examiné si l’on mettrait le nom de l’Être suprême en tête de la constitution, l’Assemblée avait ajourné, c’est-à-dire écarté indéfiniment la proposition. Robespierre, sans en tenir compte, écrit à la première ligne de sa Déclaration des droits : En présence de l’Être suprême[1].

C’est ce mot spécialement qui signe la constitution du nom de Robespierre. Nul des rédacteurs, sans son influence, n’aurait songé à l’y mettre. Il avouait ainsi cet acte et défiait les haines d’une grande partie de la Montagne.

Un résultat naturel de la lutte que l’esprit moderne a soutenue si longtemps dans les supplices et les bûchers contre les hommes de Dieu, c’est que le nom de Dieu était suspect ; il ne rappelait aux esprits que la tyrannie du clergé qu’on avait brisée à peine.

Un mot éclaircira ceci.

À l’époque où Diderot décrivait les procédés des arts dans l’Encyclopédie, il se trouvait un jour chez un tourneur et le regardait tourner. Un de ses amis survint, et Diderot, s’élevant de cet art inférieur

  1. Prudhomme, ami de Chaumette et probablement enhardi par lui, s’exprima avec plus de liberté qu’on ne l’eût attendu de la presse, déjà craintive, sur ce retour religieux. Il dit assez durement :

    « Nos législateurs ont fait là un pas d’écrevisses. »