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devoir de fraternité, ne doit pas figurer en tête de la constitution.

C’est bien pis, si vous remontez à l’Assemblée constituante. L’école anglo-américaine y règne sans partage. Les rapports, les discours de La Rochefoucauld et autres philanthropes, sortis de l’école égoïste du laissez faire et laissez passer, sont peu philanthropiques, si vous les comparez au grand cœur de 1793, à son amour du peuple, à ses fondations innombrables, qui font de cette année maudite une grande ère de la fraternité sociale.

Voilà les trois points capitaux qui caractérisent la constitution de 1793. On voudrait seulement que ces grandes choses fécondes, Dieu, la Fraternité, n’apparussent pas seulement en deux articles isolés, sans liaison avec l’ensemble, comme des ornements ajoutés. Il faudrait au contraire qu’ils en fissent la tête et le cœur ; bien plus, le sang, la vie, le fluide vital qui eût circulé partout et fait de l’œuvre entière une création vivante.

Le malheur, trop visible, c’est que les rédacteurs, obligés de répondre immédiatement au besoin de la circonstance, mirent sur la table, devant eux, un mauvais projet de constitution, celui de la Gironde. Ils l’abrègent, le corrigent, l’améliorent. Infaillible moyen de ne rien faire de bon. Il eût fallu le laisser entièrement de côté, et donner, d’un seul jet, une œuvre née d’elle-même.

Les changements néanmoins, souvent heureux, témoignent d’un meilleur esprit.