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sociétés exécute l’idée générale. Ce n’est pas Duport, c’est la royauté qu’il étouffe, — si coupable et si impossible.


Quelqu’un parlant de Robespierre (à la fuite du roi) avait dit : « S’il faut un roi, pourquoi pas lui ? » (1791). L’année suivante, Marat, louant fort Robespierre, disait que le salut serait d’abord un chef unique, un grand tribun. Plusieurs pensaient que la France pourrait finir par avoir un Cromwell, un Protecteur, habituaient l’esprit public à cette idée.

Visait-il à la dictature ? Voulait-il, à une influence si grande, à cette autorité morale joindre le pouvoir et le titre ? Je ne le crois nullement. Le titre eût affaibli l’autorité morale, la papauté, qu’il sentait valoir mieux. Il eut le cœur moins roi que prêtre. Être roi ? il eût descendu !

Il avait tellement goûté la popularité et il y était si sensible, il avait tellement mordu à ce dangereux fruit, qu’il ne pouvait plus s’en passer. Lorsque la généreuse, la brillante, l’étourdie Gironde fit invasion, pour ainsi dire, dérangea tout cela, lui arracha des dents ce qu’il tenait, horrible fut sur lui l’opération. Ce qu’on n’eût vu jamais sans cela apparut : c’est que, sans désirer précisément la tyrannie, il avait au fond l’âme si naturellement tyrannique qu’il y allait tout droit, haïssait à mort tout obstacle. Le génie de Vergniaud, la vigueur des Roland, la facilité, merveilleuse des Brissot, des Gua-