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mait que c’était un sûr moyen d’organiser la famine et peut-être la guerre civile, par les furieuses résistances qu’on trouverait chez le paysan.

Ce terrible mot d’armée révolutionnaire est répété avec un accroissement alarmant de chiffres par les différents partis, comme une espèce d’enchère, à mesure que le flot monte dans les derniers jours de mai.

Au 31 mai, le dantoniste Lacroix désarme les enragés en s’emparant de leur proposition et demandant lui-même cette armée pour six mille hommes.

Dans la nuit du 1er juin, le comité d’insurrection, voyant le mouvement languir, veut réveiller l’enthousiasme et dit au conseil général que l’armée révolutionnaire sera portée à vingt mille hommes, à deux francs par jour.

Le 2 juin, Lacroix essaye d’étouffer le mouvement en faisant accorder aux insurgés l’armée pour seize mille hommes. La chose est décrétée ainsi.

Elle n’était pas embarrassante pour le comité d’insurrection, autorité transitoire, qui pouvait partir et laisser à d’autres le soin d’accomplir ses promesses.

Elle restait un grand embarras pour la Commune, pour Robespierre, qui en avaient fait les premières propositions et qui avaient vu la chose croître et grossir à un point où personne ne pouvait plus satisfaire les espérances du peuple.

« Où trouverez-vous tant d’argent ? » avait dit Chaumette. Donnerait-on à seize mille hommes la solde de deux francs pour rester tranquillement