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Quoi qu’il en soit, l’Assemblée et son Comité de salut public ne firent rien de sérieux[1] qu’en vue de la France seule et de la question intérieure. Ils ne tinrent compte du monde.

Surprenant spectacle ! objet d’admiration pour les uns, pour les autres de dérision !… Un peuple cerné de partout, ayant à la gorge cinq cent mille épées, mordu au cœur par la Vendée, au moment d’avoir de plus une seconde guerre civile, s’occupe impassiblement d’une idée abstraite, d’une formule inapplicable et des lois de l’avenir.

« L’armée du Rhin se retire, celle du Nord se désorganise, l’Autrichien est à Valenciennes… — Préparons la constitution. — Les Pyrénées sont franchies, les Alpes vont l’être, Lyon fait signe aux Piémontais… — Dressons plus haut que les Alpes le drapeau, la constitution ! — Mais si les Vendéens arrivent ?… Les voici déjà à Saumur… — Avec la constitution, nous les attendrons de pied ferme. »

Qui refuserait à ce siècle le titre qu’un Allemand illustre lui donna : l’Empire de l’esprit, en le voyant finir par cet acte étonnant de foi à l’idée ? — Et qui lui disputerait ce que Saint-Just réclame pour lui : Le dix-huitième siècle au Panthéon !

La constitution de 1793, comme le monde, fut faite en six jours. Présentée le 10, votée le 24, elle fut acceptée en juillet de toute la France, montagnarde et girondine (avec peu d’exceptions). On sentait

  1. C’est ce qui ressort des registres du Comité de salut public. (Archives nationales.)