Ingénieuse fiction, mais sans base. Ces hommes étaient inassociables ; de plus, tous trois impossibles.
Danton avait tergiversé au 2 juin, comme en janvier. Il n’inspirait aucune confiance.
Robespierre, avec son insurrection morale, avait paru trop délié ; il n’avait pas la rude énergie que demandait l’imagination populaire. Beaucoup l’estimaient, l’admiraient, mais le croyaient un philosophe, un pauvre homme de bien.
Le plus possible était Marat, qui avait au moins le mérite, dans son excentricité, de n’avoir pas tergiversé. Il avait dit franchement, brutalement : « Il faut un chef. » Et il ne l’avait pas dit seulement. Il avait été ce chef au 2 juin. Il y fit grâce et justice. Être roi n’est pas autre chose. Mais dès ce jour aussi, il fut marqué pour la mort. Non seulement il devint le but du poignard girondin, mais il fut tacitement mis au ban de la Montagne, qui n’écoutait plus ses paroles et ne daignait lire ses lettres. Il y fut infiniment sensible. Déjà malade, il s’alita. Il écrivit, le 20, aux Jacobins, pour expliquer le mot fatal. Mais l’acte, comment l’expliquer, comment prouver à la Montagne qu’elle n’avait pas été captive et qu’il n’avait pas été roi ?
Marat, du reste, avec sa grande puissance de la presse populaire, n’avait de force qu’à Paris. Pour une force commune à la France, il n’y en avait qu’une à peu près organisée, la société jacobine. Ceci ramenait à Robespierre, qui semblait l’homme fatal et menaçait l’avenir.