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Les quarante mille comités révolutionnaires seraient-ils un gouvernement ? Très ardents, très patriotes, mais en même temps inhabiles, maladroits et furieux, il n’y avait pas de pire instrument. Ils criaient, ils dénonçaient, arrêtaient, n’agissaient pas. La Révolution, dans leurs mains, avait l’air de ces bêtes à mille pieds, qui s’agitent et n’avancent pas.

Les représentants eux-mêmes seraient-ils un gouvernement ? Leur dévouement fut admirable, leurs efforts prodigieux ; ils donnèrent leur vie, leur sang. Mais ce n’était pas assez de mourir ; le difficile était de vivre et d’agir utilement, d’agir d’ensemble et de s’entendre, de se subordonner à une direction commune. La violence de leur passion patriotique, l’ardeur de leur altier courage était un obstacle à cela. Tous s’empressaient, tous se nuisaient. Dans le concours discordant des représentants en mission et des agents que la Commune, les ministres, les sections, envoyaient aussi, il y avait juste le contraire d’un gouvernement ; c’était comme une tempête de disputes et d’accusations, un combat d’actions contraires qui s’annulaient elles-mêmes.

Le désordre, l’excès du péril, demandaient la dictature. Je ne dis pas un dictateur. Une Assemblée qui venait de couper la tête à un roi n’avait hâte d’en refaire un.

Les Girondins, dans leurs romans, supposaient un triumvirat de Marat, Danton et Robespierre, — du roi de la presse, du roi de l’Assemblée et du roi des Jacobins.