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Avec cela l’adoration de la force est chose si naturelle à l’homme que le dictateur, l’Empereur, ont pu garder des fanatiques.

Grave jugement sur Robespierre : les royalistes ont eu certain faible pour lui. Ils injuriaient, conspuaient la Gironde, la Montagne, Danton, Chaumette. Ils se turent devant Robespierre. Ils virent qu’il aimait l’ordre, qu’il protégea l’Église, lui supposèrent l’âme d’un roi.


Son histoire est prodigieuse bien plus que celle de Bonaparte. On voit bien moins les fils et les rouages, les forces préparées. Ce qu’on voit, c’est un homme, un petit avocat, avant tout homme de lettres (et il le fut jusqu’à la mort). C’est un homme honnête et austère, mais de piètre figure, d’un talent incolore, qui se trouve un matin soulevé, emporté par je ne sais quelle trombe. Rien de tel dans les Mille et une Nuits. En un moment il va bien plus haut que le trône. Il est mis sur l’autel. Étonnante légende ! Quel triomphe de la vertu.

Plusieurs l’ont rabaissé beaucoup trop. Si l’ensemble d’un patriotisme réel et d’un certain talent, d’une suite, d’une volonté, d’un labeur soutenu, un grand instinct de conduite, de tactique des assemblées suffisent pour faire un grand homme, ce nom est dû à Robespierre.

Il avait l’esprit peu fécond et bien peu d’invention. Cela le servit fort. Avec plus d’idées il aurait infiniment moins réussi. Il se trouva dans la