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Spectacle étrange ! il n’y eut qu’une trentaine de représentants qui restèrent assis, les Montagnards jacobins, les amis de Robespierre et les maratistes. La Montagne non jacobine (comme Cambon et Grégoire), la Montagne dantoniste, s’étaient levées avec la droite, et, comme celle-ci, elles avaient dit : Non !

Le rôle des Jacobins devenait bien difficile. Ils avaient cru faire l’insurrection par la Montagne contre la droite. Mais voilà que la Montagne, repoussant, comme la droite, la violation de l’Assemblée, il fallait que l’insurrection se fît contre la Montagne elle-même !

Que devenait le plan de l’insurrection morale ? Les Jacobins, qui, à l’Hôtel de Ville, avaient supplanté l’Evêché, étaient accusés eux-mêmes par les hommes de l’Evêché ; garderaient-ils pour l’Assemblée les ménagements qu’ils avaient voulu observer ? S’ils l’eussent fait, le 2 juin aurait échoué, comme avait manqué le 31 mai. L’Evêché alors aurait dit : « Nous avons fait l’insurrection ; les Jacobins l’ont reprise et arrachée de nos mains, mais c’était pour la trahir. » — Les Jacobins seraient tombés juste au rang de la Gironde.

Les robespierristes furent poussés ainsi[1]. L’insurrection morale étant impossible, ils firent ce que

  1. C’est, je crois, la cause profonde de la très juste haine que Robespierre conçut pour les hommes de ce parti. Il n’avait pu arrêter leur violence en octobre 1792 ; il en fut lui-même entraîné au 2 juin 1793. Gusman savait parfaitement qu’il était perdu, inscrit par Robespierre sur des tables où rien