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cette grande mystification, ce grand malentendu, que nombre d’écrivains, au fond autoritaires, continuent indéfiniment. C’est le procès obscur, la ténébreuse énigme que plusieurs ont crue insoluble. Cela est difficile quand on cherche le mot de l’énigme dans la biographie, la légende d’un individu, jugé diversement, dieu pour l’un et monstre pour l’autre. Il faut l’étudier, le juger dans le milieu qui lui fut propre. Robespierre doit se prendre dans l’inquisition jacobine.


Cette tyrannie précéda la tyrannie militaire. Elles s’expliquent l’une par l’autre. Robespierre, Bonaparte, en leur destinée si diverse, eurent cela de commun que, dans le milieu qui les fît, ils eurent tout préparés leurs instruments d’action. Ils n’eurent pas à créer. La fortune obligeante leur mit sous la main les machines (terribles machines électriques) dont ils devaient user. Robespierre trouva tout d’abord l’association jacobine des trois cents, des six cents, puis des trois mille sociétés. Grande armée de police, qui, par quarante mille comités, gouverna, défendit et écrasa la France. Bonaparte reçut aguerries les armées de la République. D’elles il hérita l’épée enchantée, infaillible, qui permit toute faute, ne pouvant pas être vaincue. Il en a promené la terreur par le monde, tous les abus de la victoire, nous a fait et en Allemagne et partout des haines solides. L’Europe lui en garde rancune, comme la France à Robespierre.