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sans mission ni occupation que celles de journaliste et de membre des Jacobins, était moins sur le théâtre. Les Girondins y étaient. Ils y brillaient par leur accord parfait avec le sentiment national sur la question de la guerre. Robespierre et les Jacobins prirent la thèse de la paix, thèse essentiellement impopulaire, qui leur fit grand tort. Nul doute qu’à cette époque la popularité du grand démocrate n’eût un besoin essentiel de se fortifier et de se rajeunir. Il avait parlé longtemps, infatigablement, trois années, occupé, fatigué l’attention ; il avait eu, à la fin, son triomphe et sa couronne. Il était à craindre que le public, ce roi fantasque comme un roi, facile à blaser, ne crût l’avoir assez payé et n’arrêtât son regard sur quelque autre favori.

La parole de Robespierre ne pouvait changer, il n’avait qu’un style ; son théâtre pouvait changer et sa mise en scène. Il fallait une machine. Robespierre ne la chercha pas ; elle vint à lui, en quelque sorte. Il l’accepta, la saisit et regarda, sans nul doute, comme une chose heureuse et providentielle de loger chez un menuisier.

La mise en scène est pour beaucoup dans la vie révolutionnaire. Marat, d’instinct l’avait senti. Il eût pu très commodément rester dans son premier asile, le grenier du boucher Legendre ; il préféra les ténèbres de la cave des Cordeliers ; cette retraite souterraine d’où ses brûlantes paroles faisaient chaque matin éruption, comme d’un volcan inconnu, charmait son imagination ; elle devait saisir celle du