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il est vrai, mais s’appuyant sur le point de départ que le corps électoral dominé par Robespierre lui avait laissé : épurer la Convention, réserver au peuple la faculté de révoquer ses députés ; épurer les décrets de la Convention, en les soumettant à la revision, à la sanction populaire[1]. L’Assemblée future, avant d’être nommée entièrement, était déjà placée sous la tutelle des clubs et sous le coup de l’émeute.

La foule reprenait lentement le chemin des Jacobins. Tout septembre et tout octobre, il y eut encore peu de monde. En octobre même, un membre s’étonna de voir moins de Jacobins que dans sa

  1. Dans l’adresse où la société exprimait ce vœu et qu’elle envoyait à ses sœurs des provinces, elle en ajoutait un autre, énoncé, il est vrai, indirectement, mais dans une clarté parfaite ; le vœu de la mort du roi : « Le chef, le prétexte des machinations respire encore », etc. La chose n’était pas mûre, on ne la mûrit (voir le tome précédent) que par les adresses des sections et des sociétés de provinces. — Des scènes patriotiques de caractère fort divers se succédaient au sein de la société et lui rendaient l’importance. L’envoyé de Dumouriez, Westermann, vint lui offrir l’étrenne de la guerre, le premier Allemand qu’on avait fait prisonnier. Des gens qui se croyaient lésés venaient se plaindre aux Jacobins ou demander leur appui. Un soldat vient solliciter de la société qu’elle donne à un de ses camarades (poursuivi, on ne sait pourquoi, par l’autorité) un défenseur officieux. Une commune, Bry-sur-Marne, veut que les Jacobins interviennent pour qu’on répartisse mieux ses contributions. Parfois on fait des collectes pour des malheureux ou des volontaires qui partent. La société refuse d’intervenir pour les ouvriers dans les questions de salaires, mais leur nomme des défenseurs. Elle écoute avec un vif intérêt un enfant qui sait par cœur la Déclaration des droits et le président embrasse le petit prodige, aux applaudissements des tribunes ; sur quoi un membre propose de faire jurer à tous les enfants qu’un jour ils tueront les rois. La société prend part au chagrin des canonniers d’Orléans, dont le corps se voit cassé pour avoir escorté, sans les défendre, les prisonniers massacrés à Versailles. — Parfois les dénonciations se présentent aux Jacobins sous des formes dramatiques qui peuvent toucher la sensibilité d’une société essentiellement philanthropique. On amène une aveugle enceinte pour dénoncer les administrateurs des Quinze-Vingts. La société nomme pour défenseurs aux aveugles de rudes et redoutés patriotes, Tallien, Legendre et Bentabole.