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sincère, doit leur compter dans l’avenir. Qui peut voir aujourd’hui encore, sans émotion, sans une sorte de respect et de crainte, les trois portes des Jacobins dans la noire et humide petite rue qui tient au marché ? Elles menaient par derrière au cloître. L’entrée principale était rue Saint-Honoré ; mais celle de la petite rue dut souvent être préférée par les principaux meneurs. Robespierre, Couthon, Saint-Just, montaient ce sombre escalier. La rampe de fer travaillée au goût du dix-septième siècle, l’écuyer sale en vieux bois qui, du côté du mur, vous prête aussi son appui, tout cela n’a pas bougé, et sur ce bois, sur ce fer, vous sentez encore la trace brûlante des mains sèches et fiévreuses qui s’y sont appuyées alors et les ont marquées pour toujours.

Ce vieux méchant local de moines, démeublé et délabré, avait gardé je ne sais quoi qui, dès l’entrée, gênait l’esprit, mettait le cœur mal à l’aise. Tout était étroit, mesquin. Le cloître d’un style sec et pauvre, l’escalier médiocre (pour deux personnes de front), appuyé sur quatre évangélistes de demi-grandeur[1], la bibliothèque peu vaste, avec un tableau janséniste, la chapelle nue, ennuyeuse, baroquement échafaudée de tribunes étouffées par-dessus des tombes de moines, tout cela était d’une impression pénible. Il n’y avait pas beaucoup d’air ; on respirait mal.

  1. Attribués à Jean Goujon et placés aujourd’hui au Louvre. On avait coiffé saint Jean du bonnet de la liberté.