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gnait celui qui ne craignait rien. Là il n’y avait plus ni cuirasse ni habit, rien qui garantît son cœur.

Ce temps aimait le danger. Ce fut justement au milieu du procès de Louis XVI, sous les regards meurtriers des partis qui se marquaient pour la mort, qu’ils dévoilèrent au public l’endroit qu’on pouvait frapper. Vergniaud venait d’avoir le plus grand de ses triomphes, le triomphe de l’humanité. Mlle  Candeille elle-même, descendant sur le théâtre joua sa propre pièce, la Belle Fermière. Elle transporta le public ravi à cent lieues, à mille de tous les événements, dans un monde doux et paisible, où l’on avait tout oublié, même le danger de la patrie.

L’expérience réussit. La Belle Fermière eut un succès immense ; les Jacobins eux-mêmes épargnèrent cette femme charmante qui versait à tous l’opium d’amour, les eaux du Léthé. L’impression n’en fut pas moins peu favorable à la Gironde. La pièce de l’amie de Vergniaud révélait trop que son parti était celui de l’humanité et de la nature, plus encore que de la patrie, qu’il serait l’abri des vaincus, qu’enfin ce parti n’avait pas l’inflexible austérité dont le temps semblait avoir besoin.