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aucun besoin de discuter ni de convaincre. Des estomacs affamés, d’avance, étaient convaincus.

Robespierre finit en deux mots, craignant d’être interrompu par la grande scène populaire. Saint-Just vint traîner ensuite un long discours ténébreux, que personne n’écouta. Après on jasa de l’Ouest. Cependant une grande clameur avait commencé du dehors et dominait tout. Un homme entre, à longue barbe, une caricature de sapeur connue. Toujours ce même épouvantail qui avait frappé de la hache les portes du roi le 20 juin, qui depuis (secrètement payé par les Girondins) garda Louis XVI au Temple. Dénoncé, il s’était donné à la Montagne, à Legendre, qu’il accompagna à Lyon pour le protéger de sa hache et de sa barbe terrible. Aujourd’hui 24 avril, le même sapeur Rocher s’était fait bénévolement garde du corps de Marat. Il demande d’un ton menaçant que la foule puisse défiler devant la Convention.

Elle entre, et sur ses bras Marat couronné de lauriers. Toute la salle est envahie, le peuple se mêle aux députés. Marat est à la tribune, les applaudissements l’empêchent longtemps de parler. Il ne dit que deux mots de reconnaissance et de sensibilité pour le peuple. Mais retournant à sa place et se retrouvant en face de ses ennemis, de la Gironde, sa férocité lui revint : « Je les tiens maintenant, dit-il ; ils iront aussi en triomphe, mais ce sera à la guillotine. »

L’effervescence était telle que tous (la Montagne même) étaient dans l’inquiétude. Heureusement la