Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Toutefois les avocats dominaient, l’esprit légiste était une maladie de la Gironde. Chose étrange ! dans ces jeunes hommes, émancipés, élargis par la philosophie du dix-huitième siècle, on retrouvait par moments des traces de l’étroitesse du barreau ou d’un formalisme timide, diamétralement opposé à l’esprit révolutionnaire. Cela éclata dans la discussion où ils soutinrent contre Danton « que le juge devait être nécessairement un légiste ».

Autre défaut de la Gironde, l’esprit journaliste, bellétriste, pour dire comme les Allemands. Brissot en était le type ; plume rapide, intarissable, la facilité même, il eût écrit plus de volumes que ses ennemis de discours. Madame Roland, plus sévère, écrivait pourtant beaucoup trop. Tant de paroles, tout éloquentes ou brillantes qu’elles pussent être, n’en fatiguaient pas moins le public, excitaient les envies, les haines. Rien n’énerve plus un parti que de donner sans cesse sa force en paroles, de fournir par une infinité d’écrits, toujours discutables, matière aux disputes. Ajoutez les escapades, souvent imprudentes, des enfants perdus qu’on a peine à retenir. Les Roland eurent à regretter dans leur guerre contre Robespierre de laisser Louvet aller étourdiment à sa tête, accuser sans rien prouver, aboyer sans mordre. Brissot avait sous la main un jeune homme hardi, brillant, doué d’un emporte-pièce que le trop facile Brissot n’eut jamais dans les mâchoires ; ce jeune homme, Girey-Dupré, qui rédigeait le Patriote, publia un matin une chanson, un noël, dont Robespierre et Danton, toute