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bon, Danton se jeta dans une récrimination furieuse contre la Gironde, paraissant s’associer aux haines de la Montagne, flattant son orgueil, avouant qu’elle avait mieux jugé que lui et s’accusant de faiblesse… Un tel aveu d’un tel homme jeta les Montagnards dans une véritable ivresse, leur arracha les applaudissements les plus frénétiques… Danton, comme soulevé de terre, porté en triomphe, au moment même où il s’était cru perdu, oublia toute mesure : « Plus de trêve, s’écria-t-il, entre les patriotes qui ont voulu la mort du tyran, et les lâches qui, pour le sauver, nous ont calomniés dans la France ! » Parole étrange ! imprudente, quand tout le monde se souvenait de son insidieuse proposition du 9 janvier, qui eût fait le salut du roi, proposition si mal reçue qu’elle n’eut qu’une voix dans l’Assemblée, celle du prudent Cambacérès !

« Je demande, dit-il en finissant, qu’on examine la conduite de ceux qui ont voulu sauver le tyran, de ceux qui ont machiné contre l’unité de la République… » (Applaudissements.) Je me suis retranché dans la citadelle de la raison, j’en sortirai avec le canon de la vérité, je pulvériserai les scélérats qui ont voulu m’accuser. »

La burlesque violence de ces dernières métaphores, parfaitement calculée pour le goût du temps, porta le succès au comble. Il descendit dans les bras des Montagnards hors d’eux-mêmes. Beaucoup l’embrassaient en pleurant…

« Oui, dit Marat, profitant de l’émotion commune,