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quence, en demandant un tribunal spécial ne voulaient pas qu’il fût nommé par la Convention, mais directement élu par le peuple. Ils frémissaient du monstrueux pouvoir que l’Assemblée, en nommant ces juges, allait concentrer dans sa main. Ils voulaient bien faire des lois, des lois répressives, mais non pas les appliquer par un tribunal à eux, par une commission dépendante. Toucher au glaive de justice, de législateurs se faire juges, bien plus, faire et défaire des juges, qui seraient de purs instruments de la puissance politique ! cela leur faisait horreur. Ils auraient cru, en ceci, abdiquer toute la Révolution, remonter plus haut que la monarchie, jusqu’aux tyrannies de l’Antiquité. Une fois sur cette pente, on irait bientôt, disaient-ils jusqu’aux proscriptions d’Octave, jusqu’aux tables de Sylla.

Noble résistance, glorieuse ! Il était nécessaire à l’honneur de la France que le principe fût ainsi défendu… Cependant le péril était imminent, immense… Et que proposait la Gironde ? Rien que de vague et d’éloigné.

Ceux qui ont vu un homme se noyer, qui savent tout ce que fait en ces moments l’instinct de la conservation, de quelle prise, de quelles étreintes terribles, de quelles mains de fer cet homme saisit tout ce qu’il trouve, fût-ce un glaive à deux tranchants, ceux-là comprendront la fureur que les Girondins inspirèrent, dans cette noyade de la France.