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monde, toutes leurs paroles étaient des invocations à la mort, des appels à la guillotine ; et par là ils servaient parfaitement leurs ennemis. Ils royalisaient la ville mieux que n’auraient jamais fait tous les prêtres et tous les nobles. Les choses en vinrent au point que les bataillons fédérés qu’on appelait Fils de famille, insultèrent les municipaux, leur arrachèrent leurs écharpes, pilorièrent honteusement à l’arbre de liberté les effigies de la Liberté et de Jean-Jacques, qui ornaient la place Bellecour ; ils brisèrent tout dans les clubs. Révolution fort obscure. Au profit de qui tournerait-elle ? On ne le savait. Elle était masquée de girondinisme. Mais si les émigrés de Turin avaient passé la frontière, n’auraient-ils pas trouvé tout ouvertes les portes de Lyon ?

La Convention n’avait aucune force à envoyer. Elle fit une chose antique, ce qu’aurait fait Sparte ; elle envoya un homme, mais pur et honnête, le boucher Legendre. Cet homme, en réalité très bon sous son air furieux, et qui avait la République dans le cœur, se montra modéré, impartial, héroïquement intrépide. Il parla comme s’il eût eu cent mille hommes derrière lui. Il frappa à droite et à gauche, mit en prison le candidat girondin à la mairie, qu’appuyaient les royalistes, et de même emprisonna le Marat lyonnais, Laussel, jusqu’à ce qu’il eût éclairci une comptabilité douteuse. Les prétendus Girondins croyaient l’effrayer d’une pétition factieuse ; il leur déchira leur papier et leur dit : « Qu’on m’en